Homélie du jour de l’Ascension

Du 20/05/2020 au 23/05/2020

Mt 28, 16-20

L’Écriture livrée à notre méditation en ce jour de l’Ascension nous met devant une apparente contradiction. D’une part le livre des Actes des apôtres nous signifie l’absence du Christ désormais, et les anges disent même : « Qu’avez-vous à regarder le ciel ? »… Jésus est parti ! Et d’autre part l’Évangile avec cette promesse de Jésus (dernière parole qui clôt l’évangile de saint Matthieu) : « Et Moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde », nous assure de Sa présence... Que croire ? En réalité cette contradiction nous ouvre au mystère de la présence-absence du Christ pour nous. C’est là tout le sens de cette fête de l’Ascension… En Jésus le Christ, nous sommes déjà en Dieu, et par Lui aussi, Dieu est toujours avec nous… Arrêtons-nous sur ces deux aspects si liés entre eux.

« Sachez quelle espérance vous ouvre Son appel, la gloire sans prix de l’héritage que vous partagez avec les fidèles »… Quel est cet héritage, quelle est cette gloire sans prix, que Paul mentionne aux chrétiens d’Éphèse dans la seconde lecture ? Cet héritage et cette gloire, ce n’est rien moins que la vie divine que Jésus nous a acquise. Quand l’Écriture nous dit de Jésus qu’ « Il s’éleva et une nuée vint le soustraire à leurs yeux » cela signifie clairement, pour ceux qui connaissent bien l’Écriture, que Jésus rejoint la condition de Dieu… et pour la rejoindre, il ne quitte pas son humanité… c’est Jésus homme et Dieu qui s’est « assis à la droite du père » comme le dit notre credo. Notre humanité est donc désormais dans le mystère de Dieu ; dans le Christ elle en est partie intégrante… le Christ divinise notre humanité. Nous comprenons donc que notre avenir à tous est en Dieu désormais ; c’est là le fameux héritage dont Paul faisait mention. Et donc, même absent, le Christ nous est proche en ce qu’Il nous porte définitivement avec lui en Dieu, dans son être même.

« Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ». Ce Saint-Esprit, envoyé à la Pentecôte, qui est Dieu vivant en nous, ici et maintenant, déjà sur cette terre…. Cet Esprit, dans lequel nous sommes baptisés, qui nous divinise… et qui nous divinise aujourd’hui (pas après notre mort !). Le mystère de Dieu nous rejoint et nous est donné à vivre maintenant ! C’est en cela que Jésus est « avec nous tous les jours jusqu’à la fin du
monde ».

Quelle conséquence pour nous ? Eh bien tout d’abord une profonde action de grâce et une immense louange adressée à Dieu ! Il nous aime tant qu’Il nous associe à Son mystère divin… IL nous divinise. Et puis nous découvrons l’extraordinaire dignité de tout homme appelé à partager la condition et la gloire de Dieu… Nous comprenons que rencontrer un homme, c’est rencontrer Dieu. De ce fait, nous les chrétiens, ne sommes pas simplement des humanistes… nous ne promouvons pas seulement la dignité de tout homme et femme de cette terre, mais surtout, au vrai sens du terme, sa dimension sacrée. Alors comment désormais, depuis l’Ascension, ne pas changer notre regard et notre attitude vis à vis de tous nos frères humains, à commencer par les plus vulnérables, si peu l’objet de la considération générale ? Comment ne pas faire évoluer aussi le regard porté sur soi-même, et tenter de vivre en cohérence en toutes choses avec ce que Dieu fait de nous en Jésus-Christ ? Et donc de vivre à Sa manière, de façon toujours plus évangélique ?

Cette période, en bousculant nos repères personnels et sociaux habituels, est peut-être une aubaine pour nous remettre devant cet essentiel et essayer de repartir différemment… Et en ce sens, cette année, la fête de l’Ascension tombe bien… Ne passons pas à côté de cette opportunité.

P. François du Sartel