Homélie du dimanche 22 mars - 4e dimanche de carême

Du 20/03/2020 au 21/03/2020

L’AVEUGLE-NÉ (Jn 9, 1-41)
Encore un évangile bien riche proposé à notre méditation dans cette deuxième moitié de notre carême… un carême si particulier… mais un carême aux conditions propices pour beaucoup à la méditation et la prière : ne manquons pas cette occasion…
Contemplons cet aveugle, né infirme d’une fonction vitale essentielle pour déployer toutes ces capacités et jouir à plein de la vie. D’ailleurs Jésus pose un geste étrange pour le guérir : « Il cracha à terre et, avec la salive, il fit de la boue ; puis Il l’appliqua sur les yeux de l’aveugle ». Cette boue, ce geste, n’est pas sans faire penser au geste créateur primordial de Dieu : « Un flot montait de la terre et arrosait toute la surface du sol. Alors Yaveh Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, Il insuffla dans ses narines l’haleine de vie et l’homme devint un être vivant » (Gn 2, 6-7). Cette terre humide appliquée sur cet homme est un geste re-créateur… Jésus manifeste dans cette guérison la volonté de Dieu de rétablir la création blessée par le mal, la souffrance, et le péché, pour donner, à tous, les moyens de vivre à plein. Dans cette guérison se manifestent effectivement « les œuvres de Dieu », et, parmi elles, la plus belle, la plus grande, la création par amour pour la vie sans limite.
Et puis il y a cet ordre du Seigneur à l’endroit de cet homme : « Va te laver à la piscine de Siloé »… Ce n’est qu’après avoir accompli ce geste que l’aveugle revient à la vue. Un bain… Comment ne pas y voir une préfiguration du baptême ? C’est le baptême en effet qui nous ouvre déjà, dès aujourd’hui et dans les conditions de cette terre, à la création nouvelle inaugurée dans le Christ-Jésus, la création sauvée du mal et de la mort, la création qui participe à la Résurrection, à la gloire divine. C’est pourquoi la liturgie de ce jour nous fait méditer cette antique hymne que Paul cite dans l’épître aux Éphésiens : « Réveille-toi ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera ! ». Ressusciter, c’est venir à la lumière… c’est vivre de la lumière… C’est vivre du Christ… Jésus le rappelle à l’entourage de l’aveugle : « Je suis la Lumière du monde ». Savez-vous que la première Églises désignait le baptême par un nom aujourd’hui oublié :
« L’Illumination » ? L’aveugle de l’évangile nous rappelle aujourd’hui notre condition de baptisés.
Quelle conséquence tirer pour nous aujourd’hui de l’écoute de ce passage de l’évangile ? Je voudrais pour cela reprendre une expression de l’entourage de l’aveugle relisant l’évènement et qui dit que Jésus « lui a ouvert les yeux ». Et si notre caractéristique de baptisés était d’être dans ce monde des hommes et des femmes aux yeux ouverts ? Ouverts pour contempler et chanter les merveilles de Dieu ; Ouverts pour voir et dénoncer le mal ; Ouverts pour voir l’autre à rencontrer et aimer ; Ouverts pour voir au-delà des apparences avec les yeux de la foi, et révéler avec conviction cet au-delà des apparences… Comme Dieu lui-même d’ailleurs ! Samuel le prophète, dans la première lecture, ne révèle-t-il pas à Jessé cette vérité sur Dieu : « Dieu ne regarde pas comme les hommes : Les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur ». Si le baptême nous sanctifie, nous divinise, il doit nous permettre de voir la réalité comme Dieu la voit.
Et si nous osions nous aussi regarder, voir le cœur ? Ces temps sont difficiles certes… Les hôpitaux se remplissent et débordent, les cours des bourses dégringolent, les villes s’enfoncent dans le silence, la fin de nos maux est imprévisible… L’apparence entraîne nos esprits dans la catastrophe ! Mais le cœur ? Et c’est bien vrai, j’en ai tous les jours des témoignages, des voisinages se réveillent, des attentions et des services s’inventent, une lucidité sur la réalité des choses grandit, un discernement s’opère qui aide beaucoup à remettre les choses à l’endroit… Notre regard d’ « illuminés » nous permet de voir cela et de discerner que cela seulement a de l’importance et de l’avenir en Dieu… Le reste…
Au cœur de ce carême pouvons-nous avec l’aveugle dire « Je crois Seigneur » et adorer le Christ par Lequel nous vient l’unique Salut ?
P. François du Sartel

LECTURES DE LA MESSE

• PREMIÈRE LECTURE
David reçoit l’onction comme roi d’Israël (1 S 16, 1b.6-7.10-13a)
Lecture du premier livre de Samuel
En ces jours-là,
le Seigneur dit à Samuel :
« Prends une corne que tu rempliras d’huile, et pars !
Je t’envoie auprès de Jessé de Bethléem,
car j’ai vu parmi ses fils mon roi. »
Lorsqu’ils arrivèrent et que Samuel aperçut Éliab,
il se dit :
« Sûrement, c’est lui le messie,
lui qui recevra l’onction du Seigneur ! »
Mais le Seigneur dit à Samuel :
« Ne considère pas son apparence ni sa haute taille,
car je l’ai écarté.
Dieu ne regarde pas comme les hommes :
les hommes regardent l’apparence,
mais le Seigneur regarde le cœur. »
Jessé présenta ainsi à Samuel ses sept fils,
et Samuel lui dit :
« Le Seigneur n’a choisi aucun de ceux-là. »
Alors Samuel dit à Jessé :
« N’as-tu pas d’autres garçons ? »
Jessé répondit :
« Il reste encore le plus jeune,
il est en train de garder le troupeau. »
Alors Samuel dit à Jessé :
« Envoie-le chercher :
nous ne nous mettrons pas à table
tant qu’il ne sera pas arrivé. »
Jessé le fit donc venir :
le garçon était roux, il avait de beaux yeux, il était beau.
Le Seigneur dit alors :
« Lève-toi, donne-lui l’onction : c’est lui ! »
Samuel prit la corne pleine d’huile,
et lui donna l’onction au milieu de ses frères.
L’Esprit du Seigneur s’empara de David à partir de ce jour-là.


• PSAUME
(Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6)
R/ Le Seigneur est mon berger :
rien ne saurait me manquer. (cf. Ps 22, 1)

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

• DEUXIÈME LECTURE
« Relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera » (Ep 5, 8-14)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens
Frères,
autrefois, vous étiez ténèbres ;
maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ;
conduisez-vous comme des enfants de lumière
– or la lumière
a pour fruit tout ce qui est bonté, justice et vérité –
et sachez reconnaître
ce qui est capable de plaire au Seigneur.
Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres,
elles ne produisent rien de bon ;
démasquez-les plutôt.
Ce que ces gens-là font en cachette,
on a honte même d’en parler.
Mais tout ce qui est démasqué
est rendu manifeste par la lumière,
et tout ce qui devient manifeste est lumière.
C’est pourquoi l’on dit :
Réveille-toi, ô toi qui dors,
relève-toi d’entre les morts,
et le Christ t’illuminera.

• ÉVANGILE
L'Aveugle-né (Jn 9, 1-41)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là,
en sortant du Temple,
Jésus vit sur son passage
un homme aveugle de naissance.
Ses disciples l’interrogèrent :
« Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents,
pour qu’il soit né aveugle ? »
Jésus répondit :
« Ni lui, ni ses parents n’ont péché.
Mais c’était pour que les œuvres de Dieu
se manifestent en lui.
Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé,
tant qu’il fait jour ;
la nuit vient où personne ne pourra plus y travailler.
Aussi longtemps que je suis dans le monde,
je suis la lumière du monde. »
Cela dit, il cracha à terre
et, avec la salive, il fit de la boue ;
puis il appliqua la boue sur les yeux de l’aveugle,
et lui dit :
« Va te laver à la piscine de Siloé »
– ce nom se traduit : Envoyé.
L’aveugle y alla donc, et il se lava ;
quand il revint, il voyait.
Ses voisins, et ceux qui l’avaient observé auparavant
– car il était mendiant –
dirent alors :
« N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? »
Les uns disaient :
« C’est lui. »
Les autres disaient :
« Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. »
Mais lui disait :
« C’est bien moi. »
Et on lui demandait :
« Alors, comment tes yeux se sont-ils ouverts ? »
Il répondit :
« L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue,
il me l’a appliquée sur les yeux et il m’a dit :
‘Va à Siloé et lave-toi.’
J’y suis donc allé et je me suis lavé ;
alors, j’ai vu. »
Ils lui dirent :
« Et lui, où est-il ? »
Il répondit :
« Je ne sais pas. »
On l’amène aux pharisiens, lui, l’ancien aveugle.
Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue
et lui avait ouvert les yeux.
À leur tour, les pharisiens lui demandaient comment il pouvait voir.
Il leur répondit :
« Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé,
et je vois. »
Parmi les pharisiens, certains disaient :
« Cet homme-là n’est pas de Dieu,
puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. »
D’autres disaient :
« Comment un homme pécheur
peut-il accomplir des signes pareils ? »
Ainsi donc ils étaient divisés.
Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle :
« Et toi, que dis-tu de lui,
puisqu’il t’a ouvert les yeux ? »
Il dit :
« C’est un prophète. »
Or, les Juifs ne voulaient pas croire
que cet homme avait été aveugle
et que maintenant il pouvait voir.
C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents
et leur demandèrent :
« Cet homme est bien votre fils,
et vous dites qu’il est né aveugle ?
Comment se fait-il qu’à présent il voie ? »
Les parents répondirent :
« Nous savons bien que c’est notre fils,
et qu’il est né aveugle.
Mais comment peut-il voir maintenant,
nous ne le savons pas ;
et qui lui a ouvert les yeux,
nous ne le savons pas non plus.
Interrogez-le,
il est assez grand pour s’expliquer. »
Ses parents parlaient ainsi
parce qu’ils avaient peur des Juifs.
En effet, ceux-ci s’étaient déjà mis d’accord
pour exclure de leurs assemblées
tous ceux qui déclareraient publiquement que Jésus est le Christ.
Voilà pourquoi les parents avaient dit :
« Il est assez grand, interrogez-le ! »
Pour la seconde fois,
les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle,
et ils lui dirent :
« Rends gloire à Dieu !
Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. »
Il répondit :
« Est-ce un pécheur ?
Je n’en sais rien.
Mais il y a une chose que je sais :
j’étais aveugle, et à présent je vois. »
Ils lui dirent alors :
« Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? »
Il leur répondit :
« Je vous l’ai déjà dit,
et vous n’avez pas écouté.
Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ?
Serait-ce que vous voulez, vous aussi, devenir ses disciples ? »
Ils se mirent à l’injurier :
« C’est toi qui es son disciple ;
nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples.
Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ;
mais celui-là, nous ne savons pas d’où il est. »
L’homme leur répondit :
« Voilà bien ce qui est étonnant !
Vous ne savez pas d’où il est,
et pourtant il m’a ouvert les yeux.
Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs,
mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce.
Jamais encore on n’avait entendu dire
que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance.
Si lui n’était pas de Dieu,
il ne pourrait rien faire. »
Ils répliquèrent :
« Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance,
et tu nous fais la leçon ? »
Et ils le jetèrent dehors.
Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors.
Il le retrouva et lui dit :
« Crois-tu au Fils de l’homme ? »
Il répondit :
« Et qui est-il, Seigneur,
pour que je croie en lui ? »
Jésus lui dit :
« Tu le vois,
et c’est lui qui te parle. »
Il dit :
« Je crois, Seigneur ! »
Et il se prosterna devant lui.
Jésus dit alors :
« Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement :
que ceux qui ne voient pas
puissent voir,
et que ceux qui voient
deviennent aveugles. »
Parmi les pharisiens, ceux qui étaient avec lui
entendirent ces paroles et lui dirent :
« Serions-nous aveugles, nous aussi ? »
Jésus leur répondit :
« Si vous étiez aveugles,
vous n’auriez pas de péché ;
mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’,
votre péché demeure. »